dimanche 19 mai 2024
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Référendum Calédonie : "une véritable déclaration de guerre contre le peuple kanak"

Avec ou sans le peuple kanak, le scrutin d'autodétermination se tiendra bien le 12 décembre prochain dans une Calédonie en pleine crise sanitaire, politique, économique et sociale. Le Palika a pris acte de cette décision qu'il considère comme une "provocation politique qui s'apparente à une véritable déclaration de guerre contre le peuple kanak".

Dans un communiqué diffusé ce week-end dans la presse calédonienne, le Parti de Libération Kanak "prend acte" de la décision de l’État d’organiser "en dépit du bon sens, dans le cadre d’un processus de décolonisation, un scrutin d’autodétermination sans le peuple colonisé". Une belle première pour la précieuse et historique démocratie française. Le boycotte est mis en place à l'appel de tous les partis et mouvements indépendantistes kanak, mais n'empêchera pas "une stratégie de riposte à la hauteur de l’insulte faite au peuple secoué par les deuils", dus à l'épidémie du Covid-19. Tous les leaders indépendantistes, jusqu'au président du gouvernement calédonien, tous ont renouvelé la consigne de "ne pas participer au scrutin du 12 décembre qui prend l’allure d’une mascarade et d’une farce électorale et de ne pas céder à d’éventuelles provocations". L'instance de décolonisation de l'ONU sera saisie pour dénoncer un tel procédé, en attendant, la colère monte chez les autochtones.

L'impartialité de l'Etat 

L'Etat se doit de mener à terme le processus d'autodétermination, pour respecter les accords de Matignon-Oudinot et de Nouméa et ce, bien qu'ironiquement soutenu par le ministre Lecornu, "peu importe qui est le président de la République, peu importe qui est ministre des Outre-mer". Ainsi, avec un nouveau président de la république et un nouveau ministre des outre-mer, le processus d'autodétermination pourra très bien aussi se terminer, sans Macron. Des enjeux politiques nécessitent l'organisation au plus tôt de cette consultation, de préférence avant les prochaines présidentielles, des enjeux qui décident de l'avenir du peuple kanak et de sa terre. Pour le président Macron, venu récemment dans le Pacifique pour défendre ses stratégies "France-Océanienne", la date du 12 décembre est le tremplin idéale pour se faire réélire en 2022. Tant pis si les indépendantistes boycottaient les élections, car pour Lecornu, "la non-participation est un droit en démocratie. Dans notre droit, il n’y a pas de vote obligatoire donc le fait de ne pas participer n’emportera sur la sincérité juridique du scrutin. Cela n’empêche pas que le vote se déroule, cela n’empêche pas qu’il soit légitime au sens juridique du terme". Dans de tels propos, il apparaît très clairement établi que l'Etat, derrière ses airs d'impartialité, soutient le Non à la souveraineté de la Nouvelle Calédonie.

Une décision unilatérale et sans dialogue

Comme le prévoit l'accord de Nouméa, en cas de Non au deuxième référendum, la tenue d'un troisième référendum est possible dans les deux ans qui suivent. Il a même été suggéré d'exclure la période entre septembre 2021 et août 2022 pour la tenue de cette consultation. Comme le soutiennent les militants de l'Association Information et Soutien aux Droits du Peuple Kanak (AISDPK), "il était préférable de bien distinguer les échéances électorales nationales et celles propres à l'avenir de la Nouvelle-Calédonie (...), une fois de plus ce sont les enjeux de politique métropolitaine qui décident de l'avenir de la Kanaky". A cet égard, le premier ministre avait déclaré en 2019, qu'il était "nécessaire de poursuivre le dialogue tout au long du processus", et s'était même engagé à ce que le référendum soit fixé au mois de septembre 2022. Or la décision et l'insistance de maintenir au 12 décembre la tenue du référendum paraît comme unilatérale et sans dialogue, puisque sans écoute des récentes demandes des indépendantistes.

Dispositif anti-émeutes ou déclaration de guerre

Dans son annonce officielle en cette fin de semaine, le haut commissaire de Nouvelle Calédonie a appelé les électeurs "qui souhaitaient se rendre aux urnes le 12 décembre", qu'ils pourront le faire "dans la paix et dans le calme". Ce 3ème référendum sera placé en effet sous haute surveillance, avec près de 1500 policiers armés dont 15 unités mobiles qui sont expatriés vers la Calédonie. Depuis le mois d'octobre, près 300 policiers ont déjà débarqué à Nouméa, le reste suivra dans les semaines à venir. Lors du référendum de novembre 2018, près de la moitié de ce quota des forces de l'ordre a été prévue pour la surveillance et la sécurité des opérations électorales. Pour certains observateurs, "ce ne peut être qu'un mauvais signe dans le contexte actuel". Le mépris colonial réveillera t-il les mémoires d'Ouvea ?

Crédits photo : Les Nouvelles calédoniennes