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Pourquoi on ne peut pas fermer Radio Tefana ?

Vendredi 20 novembre 2020 - Un auditeur, lecteur et ancien journaliste, a fait part de ses impressions sur la fermeture éventuelle de Radio Tefana. Nous publions dans son intégralité, son message posté sur les réseaux sociaux.

Auditeur de Te Reo o Tefana depuis trente ans, je voudrais apporter mon témoignage à la fois personnel et professionnel.

Personnel parce que j'ai toujours apprécié la qualité des journaux radio présentés par Claude Marere et ses successeurs, mais aussi le bon choix de la musique tahitienne diffusée par Radio Tefana.

A titre professionnel, en tant que journaliste, j'ai toujours considéré Radio Tefana comme une des trois radios généralistes de Tahiti, avec Radio 1 et RFO radio, devenue Polynésie La Première.

Lorsque j'étais en activité dans la presse locale (Nouvelles de Tahiti, La Tribune, Tahiti Matin, Agence tahitienne de presse, La Dépêche de Tahiti...) j'écoutais chaque jour les journaux de ces trois radios pour comparer leurs informations. La même chose lorsque j'ai été chargé de communication de la commune de Arue, où j'ai créé le journal municipal et participé au lancement de la radio voulue par le maire Boris Léontieff. A l'époque, il existait plusieurs radios financées par les communes dont les maires étaient des hommes politiques importants, Radio Maohi à Pirae, Mahina Radio à Mahina, et Radio Tefana à Faa'a.

La plus orientée politiquement, pour ne pas dire la plus militante, était celle de Pirae, clairement au service de son maire Gaston Flosse et de son parti politique. Mahina radio était plus mesurée et s'efforçait de donner la parole aux autres partis politiques que celui de son maire Emile Vernaudon.

Quant à Radio Tefana, des trois elle était la plus libre politiquement, et je n'ai jamais entendu son rédacteur en chef se plaindre de pressions de la part de son maire Oscar Temaru. Il avait même du mal à le faire s'exprimer à la radio. La rédaction de Radio Tefana invitait régulièrement des représentants de tous les partis politiques car elle couvrait tous les événements de la vie locale, et c'est la raison pour laquelle je la considérais comme une radio "généraliste". Son seul engagement proclamé était d'être "la radio antinucléaire"... mais depuis longtemps cette ligne a été adoptée par toute la classe politique locale, même par le parti de Gaston Flosse qui avait pourtant soutenu les essais nucléaires français.

Lorsque Boris Léontieff a voulu doter Arue d'une radio municipale pour favoriser l'expression des associations de la commune, il s'est trouvé qu'il a reçu Catherine Tasca, ancien membre de la Haute autorité de l'audiovisuel, devenue aujourd'hui le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA). Avec Boris Léontieff, nous en avons profité pour l'interroger sur la situation des radios locales, lui demandant son sentiment sur leurs orientations politiques et leur partialité, supposée ou réelle. Je me souviens très bien de sa réponse, qui m'a un peu étonné et contribué à rassurer Boris Léontieff. Pour elle, l'éventuelle orientation politique, selon les engagements des maires des communes qui finançaient ces radios, ne posait pas de problème dans la mesure où toutes les tendances politiques étaient représentées qu'il y existait de ce fait un équilibre entre les partis et la possibilité pour chacun de s'exprimer. Pour Catherine Tasca, aucun auditeur n'était dupe, et se doutait qu'aucune de ces radios n'allait critiquer les actions du maire de la commune qui la finançait.

Pour revenir à Radio Tefana, on savait qu'elle était écoutée par de nombreux auditeurs de toutes les communes, non seulement pour la qualité de ses choix de musique tahitienne, la richesse de ses informations, mais aussi l'originalité de certaines émissions comme celle des messages à l'intention des "pensionnaires" de la prison de Nuutania. Un auditoire qui dépassait largement les limites de l'électorat indépendantiste. J'ai connu des dirigeants d'entreprise résolument opposés à l'indépendance qui écoutaient régulièrement les informations de Radio Tefana. Cette radio est encore aujourd'hui très appréciée, pour ne pas dire aimée, non seulement par les habitants de la commune de Faa'a, mais par bien d'autres de toute la Polynésie. C'est pourquoi je considèrerais comme une erreur profonde et une grande injustice de condamner cette radio à une peine qui entraînerait sa disparition. Ni les auditeurs, ni les employés qui se dévouent au service de cette radio n'ont mérité une telle sanction.

Louis Bresson